Tout savoir sur le fonds de prévoyance pour les condos
Le fonds de prévoyance, obligatoire pour tous les condos au Québec, permet d’assurer une saine maintenance de l’immeuble détenu en copropriété.
Nos experts en bâtiment résument ici tout ce que vous devez savoir sur le fonds de prévoyance pour votre immeuble à condos :
-
En quoi consiste-t-il?
-
Comment fonctionne la contribution au fonds de prévoyance?
-
Comment gérer le fonds de prévoyance?
-
L’importance du fonds de prévoyance lors de l’achat d’un condo
En quoi consiste le fonds de prévoyance pour les condos?
L’origine du fonds de prévoyance
Le fonds de prévoyance est devenu obligatoire pour toutes copropriétés divises au Québec en 1994 avec l’entrée en vigueur du Code civil du Québec.
C’est à l’article 1071 du Code civil du Québec qu’on retrouve cette obligation pour tout syndicat de copropriété.
Est-il obligatoire pour les condos d’avoir un fonds de prévoyance?
Oui, absolument. Toujours selon l’article 1071 du Code civil du Québec, le syndicat de copropriété doit constituer un fonds de prévoyance, en fonction du coût estimatif des réparations majeures et remplacements des parties communes affectées uniquement à ces réparations majeures et remplacements.
Quelles sont les bonnes pratiques pour créer un fonds de prévoyance?
Afin de simplifier l’administration et d’éviter toute ambiguïté sur les sommes versées au fonds de prévoyance et celles destinées aux opérations courantes ou destinées au fonds d’auto assurance, il est préférable pour une copropriété d’ouvrir un compte bancaire distinct pour le fonds de prévoyance et d’opter pour une comptabilité par fonds.
Il faut savoir que l’article 1078 du Code civil du Québec offre une protection au fonds de prévoyance en cas de jugement contre le syndicat de copropriété, ce qui est un argument additionnel pour l’ouverture d’un compte bancaire distinct.
Beaucoup de copropriétés considèrent que leur fonds de prévoyance est simplement le surplus d’exercice financier à la fin de l’année, ce qui n’offre pas un bon niveau de protection.
Comment fonctionne la contribution au fonds de prévoyance pour les condos?
Qui détermine le montant de la contribution au fonds de prévoyance?
Comme stipulé à l’article 1072 du Code civil du Québec, c’est le conseil d’administration du syndicat de copropriété qui doit fixer les contributions au fonds de prévoyance dans le budget annuel de la copropriété.
À combien devrait s’élever la contribution de chaque copropriétaire?
Ce même article spécifie que la contribution des copropriétaires au fonds de prévoyance doit représenter au minimum 5% de leur contribution aux charges communes.
Qui doit préparer le budget annuel de la copropriété?
C’est le conseil d’administration qui a la responsabilité de préparer le budget annuel prévisionnel de la copropriété et d’y fixer les contributions au fonds de prévoyance. Chaque année, le conseil d’administration a l’obligation de convoquer une assemblée générale annuelle selon les modalités de la déclaration de copropriété.
Le budget annuel prévisionnel doit être joint à l’avis de convocation à cette assemblée générale annuelle. Le conseil d’administration a l’obligation de consulter l’assemblée des copropriétaires sur le budget annuel prévisionnel.
Toutefois, il ne faut pas confondre consultation et décision : bien que le conseil ait une obligation de présenter le budget prévisionnel afin de permettre aux copropriétaires de l’examiner et de le questionner, ce n’est pas l’assemblée des copropriétaires qui adopte le budget à travers un vote. C’est plutôt au conseil d’administration qu’il reviendra d’adopter le budget suite à cette consultation.
Une fois le budget adopté, les charges communes sont établies en fonction du budget et selon la proportion de la valeur relative des fractions qui sont établies dans la déclaration de copropriété, incluant les contributions au fonds de prévoyance.
En quoi consiste l’étude du fonds de prévoyance stipulée dans projet de loi 16?
Bien que la contribution minimale au fonds de prévoyance doit représenter 5% des charges communes, il ne faut pas perdre de vue que l’article 1071 du Code civil du Québec établit l’attente que le fonds de prévoyance doit être constitué en fonction du coût estimatif des réparations majeures et remplacements des parties communes.
Fonds de prévoyance trop souvent insuffisants : des conséquences majeures
Les dernières décennies ont démontré l’insuffisance trop fréquente et répandue du fonds de prévoyance, puisque trop de copropriétés se sont limitées à la contribution minimale de 5% prévue par la Loi, ou à un pourcentage plus élevé, mais tout aussi arbitraire.
Cela a eu des répercussions notables sur la capacité des syndicats de copropriété du Québec à accomplir leur mission de conservation de l’immeuble. Devant un fonds de prévoyance insuffisant, les copropriétés doivent recourir à des contributions spéciales, qui induisent un stress financier chez les copropriétaires ainsi qu’un manque d’équité entre les générations de copropriétaires.
Un fonds de prévoyance réaliste pour assurer une saine maintenance de l’immeuble en copropriété
C’est pour pallier cette situation que le projet de loi 16, adopté en 2019, prévoit que toutes les copropriétés devront obtenir une étude du fonds de prévoyance réalisée par un membre d’un professionnel et que le conseil d'administration devra se baser sur les recommandations de cette étude pour fixer les contributions au fonds de prévoyance. Cette étude devra être mise à jour de façon périodique.
Plusieurs paramètres de l’étude du fonds de prévoyance, telle que la fréquence de révision, seront déterminés par un règlement du gouvernement qui n’a toujours pas été adopté. Une fois ce règlement adopté, les conseils d’administration des copropriétés existantes auront 3 ans pour obtenir une première étude du fonds de prévoyance. Il est important de noter qu’une fois ce règlement adopté, ce sont les promoteurs immobiliers qui devront fournir la première étude du fonds de prévoyance aux nouvelles copropriétés.
Comment les contributions devraient être réparties depuis le projet de loi 16?
Les contributions au fonds de prévoyance, comme toute autre dépense prévue au budget annuel, sont réparties selon la valeur relative des fractions documentée dans la déclaration de copropriété.
Toutefois, depuis le 10 janvier 2020, une modification de l’article 1064 du Code civil du Québec introduite par le projet de loi 16 prévoit qu’il est possible pour la déclaration de copropriété de prévoir une répartition différente de la contribution des copropriétaires aux charges relatives aux réparations majeures et remplacement de parties communes à usage restreint. Par exemple, dans un cas où seuls certains copropriétaires jouissent de l’utilisation d’espaces de stationnement intérieur, la déclaration de copropriété pourrait prévoir une répartition spécifique pour les réparations majeures et remplacements futurs de ces parties. Cette disposition pourrait permettre une répartition plus équitable des contributions au fonds de prévoyance. Ce type de répartition des contributions existe presque toujours, notamment, dans les copropriétés où des unités à vocation résidentielle côtoient des unités à vocation commerciale.
Il est important de noter qu’à défaut pour la déclaration de copropriété d’établir de telles règles de répartition pour les parties communes à usage restreint, le conseil d’administration devrait s’abstenir de répartir les contributions au fonds de prévoyance autrement qu’en proportion de la valeur relative des fractions.
Bon nombre de copropriétés font malheureusement fi de la déclaration de copropriété, ou des façons légalement valides d’introduire des règles ou des clés de répartition, ce qui pourrait engager la responsabilité des administrateurs. C’est notamment souvent le cas pour les portes et fenêtres, où chaque copropriétaire se voit attribuer la charge des remplacements associés à son unité, en contradiction avec la déclaration.
Il est possible de modifier ou d’introduire des règles de répartitions, encore faut-il le faire selon les modalités prévues dans le Code civil du Québec aux articles 1097 et 1060 : cette décision devrait être prise par l’assemblée par un vote à majorité renforcée, puis la modification de la déclaration de copropriété devrait être publiée au registre foncier par un(e) notaire.
Lorsque de telles règles de répartition existent, il est fréquent qu’elles soient inconnues, ignorées ou mal implémentées par le conseil d’administration. Ceci pourrait être mis en lumière par le professionnel qui réalisera l’étude du fonds de prévoyance, qui devra obligatoirement tenir compte de ces particularités.
Comment gérer le fonds de prévoyance des condos?
Le fonds de prévoyance peut-il être placé pour générer des intérêts?
L’article 1071 du Code civil du Québec a été modifié le 10 janvier 2020, suite à l’adoption du projet de loi 16, introduisant par le fait même la possibilité de générer des intérêts avec le fonds de prévoyance.
En effet, alors que, antérieurement à cette modification, le fonds de prévoyance devait être liquide, il doit désormais n’être qu’en partie liquide, disponible à court terme, et son capital doit être garanti.
Par conséquent, le conseil d’administration peut placer une partie du fonds de prévoyance, afin de générer des intérêts, à condition que le capital de ces placements soit garanti.
Pour quels types d’entretien le fonds de prévoyance peut être utilisé?
Selon l’article 1071 du Code civil du Québec, le fonds de prévoyance est provisionné selon le coût estimatifs des réparations majeures et remplacements des parties communes et est affecté uniquement à ces interventions.
Il est proscrit de s’en servir pour un autre usage, comme l’ajout d’une remise sur le terrain de la copropriété, payer les assurances du syndicat, financier l’entretien courant des parties communes, payer pour réparer des dommages suite à un sinistre, ou payer pour le honoraires professionnels pour faire établir un carnet d'entretien ou même une étude du fonds de prévoyance.
Si la notion de remplacement est plutôt intuitive, celle de réparation majeure laisse davantage de place au libre arbitre. La seule définition qu’on trouve dans la Loi est celle de l’article 1152 du Code civil du Québec qui prévoit que, pour être majeure, une réparation doit nécessairement être associée à une dépense exceptionnelle portant sur une partie importante du bien.
Pour être exceptionnelle, une telle dépense ne devrait être nécessaire que rarement, ce qui exclut automatiquement celles qui relèvent de l’entretien courant. On doit aussi exclure les réparations mineures, ou encore les travaux d’amélioration des parties communes.
Il est capital de prendre en considération que l’article 1071 du Code civil du Québec requiert que les sommes versées au fonds de prévoyance soient fonction du coût estimatif des réparations majeures et remplacements de parties commune, ce qui implique un élément de planification.
Le carnet d'entretien et l'étude du fonds de prévoyance n'étant pas encore obligatoires, beaucoup de copropriétés ne disposent pas d'une telle planification, rendant ainsi les décisions concernant les contributions et l'utilisation du fonds de prévoyance beaucoup plus arbitraires. Un conseil d'administration qui dispose de ces outils devrait s'y fier pour orienter ses décisions.
Un carnet d’entretien préparé par un professionnel, nouveauté introduite par le projet de loi 16, permettra au conseil d’administration de mieux anticiper les réparations majeures et le remplacement des parties communes et permettra également d’utiliser le fonds de prévoyance aux fins prévues par la Loi.
Quand prendre la décision d’utiliser le fonds de prévoyance?
L’adoption du projet de loi 16 a permis d’apporter une autre clarification d’une importance capitale à l’article 1071 du Code civil du Québec. Il n’y a maintenant plus de doute sur l’autorité du conseil d’administration sur l’utilisation du fonds de prévoyance.
Si certaines déclarations de copropriété n’étaient pas claires à ce sujet, il est maintenant clair que la décision de puiser dans le fonds de prévoyance ne relève pas de l’assemblée des copropriétaires et n’a pas à être soumise à un vote de l’assemblée.
Toutefois, le conseil d’administration doit tout de même respecter le cadre légal du fonds de prévoyance. En effet, même s’il a l’autorité nécessaire pour s’en servir, ce droit ne peut être exercé que pour des utilisations permises, c'est-à-dire les réparations majeures et le remplacement de parties communes pour lesquels le fonds a été provisionné.
Que faire en cas de manque d’argent dans le fonds de prévoyance?
Lorsque le fonds de prévoyance est insuffisant pour payer une réparation majeure ou le remplacement d’une partie commune, ou lorsque survient de façon imprévue la nécessité d'une telle intervention, le conseil d’administration pourra avoir recours aux contributions spéciales.
L’article 1072.1 du Code civil du Québec, introduit suite à l’adoption du projet de loi 16 et en vigueur depuis le 10 janvier 2020, impose une obligation similaire à celle liée au budget prévisionnel : le conseil d’administration a l'obligation de consulter l’assemblée des copropriétaires avant de décider d’imposer une contribution spéciale aux charges communes.
Typiquement, cette consultation aura lieu lors d’une assemblée extraordinaire. Tout comme le budget, l’obligation des administrateurs est de consulter, ce qui implique que l’assemblée n’est pas décisionnelle. Une fois l’assemblée consultée, le conseil d’administration pourrait décider d’adopter la contribution spéciale, et ce, même si une majorité de copropriétaires étaient en désaccord.
Les contributions spéciales ont longtemps été utilisées comme un outil de gestion normal, et non spécial, pour assurer la conservation de l’immeuble. C’est l’une des raisons qui ont poussé le Législateur à resserrer les règles concernant le fonds de prévoyance, notamment avec l’étude du fonds de prévoyance obligatoire, mais aussi avec la consultation obligatoire de l’assemblée pour imposer une contribution spéciale.
D’ailleurs, le projet de loi 16 comprend une disposition transitoire afin que les copropriétés renflouent leur fonds de prévoyance sur une période d’au plus 10 ans. Lors de la réalisation de l’étude du fonds de prévoyance, le professionnel mandaté par le conseil d’administration devra estimer le manque à gagner du fonds de prévoyance et s’assurer que ce dernier soit suffisant au bout de 10 ans.
L’importance du fonds de prévoyance lors de l’achat d’un condo
Lors de l’achat d’une unité de condo, un acheteur aguerri s’intéressera à l’état du fonds de prévoyance de la copropriété, surtout dans le contexte de l’adoption du projet de loi 16.
Un très grand nombre de copropriétés au Québec ont un fonds de prévoyance insuffisant, même anémique dans plusieurs cas. Ces copropriétés devront augmenter leurs charges communes, parfois drastiquement, suite à l’obtention d’une étude du fonds de prévoyance, surtout si un important rattrapage doit être effectué.
Quelques éléments à considérer lors de l’achat d’une unité dans une copropriété :
-
Est-ce que la copropriété a obtenu une étude du fonds de prévoyance ?
-
Les contributions au fonds de prévoyance ont-elles été augmentées depuis l’adoption du projet de loi 16 ou depuis l’obtention d’une étude du fonds de prévoyance ?
-
Des réparations majeures ou le remplacement de parties communes sont-ils prévus dans les prochaines années et le fonds de prévoyance semble-t-il assez garni pour payer ces dépenses ?
-
La déclaration de copropriété contient-elle des règles particulières de contribution au fonds de prévoyance pour des parties communes à usage restreint dont vous aurez l’usage et qui pourront avoir un impact sur votre contribution aux charges communes ?
Références
Voici des références intéressantes pour approfondir vos connaissances sur le fonds de prévoyance :